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De feuilles et de sang, de Carole Besson, par Rebecca

De feuilles et de sang, de Carole Besson
Le commentaire de Rebecca publié le 21 janvier 2024 sur son site https://tasouleslivres.com/

Mon avis
Au XVIIe siècle, une bande de brigands sévit dans les bois du Jorat, sur les hauteurs de Lausanne. Etienne, un des malfaiteurs, ne sait plus quoi faire pour redonner le sourire à sa femme Berthe après le décès coup sur coup de leur fille et de leur enfant à naître. Un soir, dans la forêt, avec ses acolytes ils font faire une rencontre qui aura de lourdes conséquences…

De nos jours, après des années au sein de la brigade des stups de Genève, l’inspecteur Alexandre Steinegger s’apprête à démarrer sa nouvelle affection dans la police criminelle lausannoise. Très vite mis à l’aise par sa binôme Eva Gutierrez, il va être jeté dans le bain avec une affaire d’enlèvement. Jean-Philippe Deppen, agent immobilier reconnu, est porté disparu après sa traditionnelle partie de golf du dimanche. Sa Tesla rouge est retrouvée à quelques encablures du parking du Golf Club de Lausanne, avec dans le coffre des indices très curieux.

De Feuilles et de Sang est un roman hybride : à moitié enquête policière, à moitié récit historique. Dans sa partie contemporaine, en 2018, l’histoire est une pure fiction, au contraire de la partie historique, s’étalant entre 1685 et 1752 pour laquelle Carole Besson a pris comme base des personnages ayant existé. Elle retrace les faits survenus dans le Jorat mais a laissé son imagination faire le reste. À la vue de la bibliographie en fin d’ouvrage, nous comprenons aisément que l’écrivaine a consacré un temps important à se renseigner sur cette période et sur sa région.

Le Jorat, situé au nord-est de Lausanne, est une contrée très inhospitalière au XVIIe siècle, recouverte de forêts denses. Peu de gens arrivent à y vivre car les terres sont compliquées à exploiter à cause des arbres et du rude climat. Les notables résident quant à eux dans la ville fortifiée de Lausanne, l’actuelle capitale vaudoise étant alors sous l’emprise des Bernois. Rudes aussi sont les conditions de vie à cette époque, et peu réjouissantes sont les perspectives d’avenir en raison de la pauvreté et de la violence.

Jolie brique de plus de 600 pages, De Feuilles et de Sang se lit pourtant avec beaucoup d’aisance et de fluidité. L’enquête s’avère peu conventionnelle car ne traitant pas d’un meurtre mais d’un homme évaporé dans la nature. Les policiers piétinent mais des liens émergent gentiment. L’auteure dépeint avec moult détails les faits et gestes de ses personnages et leur vie quotidienne. Nous pourrions craindre que cette profusion de détails puisse perdre le lecteur, mais en ce qui me concerne ces descriptions contribuent à créer un véritable attachement envers les héros et laissent émerger beaucoup de sensibilité.

Bluffée par la qualité de ce premier ouvrage et par la construction de l’intrigue, j’ai été happée par cette histoire qui résonnera longtemps en moi. Voilà une éternité qu’un roman ne m’avait pas transportée de la sorte (alors que je suis très loin d’être une adepte des livres avec un ancrage historique…).

Ne passez pas à côté de ce magnifique roman ! Une excellente lecture qui gagne à être connue et à être mise en avant !

En résumé
C’est un coup de cœur !

https://tasouleslivres.com/

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L’enfant de l’eau close : le commentaire de Jean-Pierre Jelmini

Cher Laurent,
quand on a pris un jour la liberté de critiquer sévèrement un auteur débutant, on se doit d’aller voir si ses œuvres subséquentes témoignent en sa faveur. Ce que j’ai fait en lisant « L’enfant de l’eau close ». Ce qui était un devoir de pédagogue s’est révélé un réel plaisir.
J’ai en effet été proprement emporté par les aventures d’Émile, du Cul-des Roches à son retour aux Alisiers en passant par Neuchâtel, Cortaillod, Genève, Lisbonne et les rives de l’Amazone. L’histoire est joliment construite autour de quelques points forts de notre histoire locale et en connaît un heureux prolongement à travers Pury et ses entreprises brésiliennes. Un vrai roman d’aventures élaboré de telle manière qu’il se révèle finalement comme une « histoire de vie ».
Ton écriture est nerveuse et rapide, elle tire le lecteur vers l’avant dans une dynamique quasi irrésistible, se distinguant ainsi d’un des grands reproches faits à la littérature romande du XXe siècle, d’être statique, pesante et souvent trop intériorisée.
Un des éléments qui m’a le plus frappé dans ton roman est d’avoir constaté que, sous ta plume, les affaires ne traînent pas. Qu’il soit ici question d’amours, de signatures de contrats, de rencontres favorables, d’exécution de tâches bref de tout ce qui emplit nos vies quotidiennes.
Tu rends Émile si vivant qu’on est avec lui sans discontinuer dans tout ce qu’il entreprend et dans tout ce qu’il réussit toujours si bien. D’ailleurs, il fait également preuve d’une résilience admirable dans chacun des coups du sort qui viennent le frapper. C’est un actif invétéré, ce qui ne l’empêche pas de réfléchir parfois intensément. C’est un vrai héros de roman en cela qu’il est, comme nous tous, ballotté sans concession par la vie. A cela près, toutefois, que son taux de réussite dépasse largement la moyenne habituelle de l’humaine condition.
Je constate aussi, avec plaisir que tu t’es richement documenté sur les divers métiers que pratique ton héros et que tu as fort bien su intégrer à ton récit des événements et des personnages contemporains de ton héros, Perrelet, DuPasquier, Pury etc. A quelques détails près que de très rares lecteurs percevront, les dialogues que tu leur prêtes sont réalistes et bien tournés, même s’il leur arrive de recourir à quelques anachronismes ou régionalismes. Je ne suis pas sûr, par exemple, que le Capitaine Alvarez ait promis à Émile de le soigner aux petits oignons.
Enfin, pour le grand amateur de littérature épistolaire et d’écrits personnels que je suis, je tiens à souligner la remarquable justesse de ton que tu as mise en œuvre aussi bien dans la rédaction des lettres échangées que dans les extraits du journal de voyage.
Bien cordialement.
Neuchâtel, le 18 janvier 2024 Jean-Pierre Jelmini